Abstraction figurative ou figuration abstractive.
Le concept de base qui détermine l'existence et l'effet majeur
de ces objets est la représentation du vide par le plein.
A la suite d'un voyage au Maroc, en 1975, la vision
répétée d'hommes habillés et surtout
dissimulés dans d'amples gandouras me fit immanquablement penser
à la tenue des moines capucins de ma ville natale, Millau, et
par extension, à la robe monacale en générale :
là coule de son nom qui est dérivé du latin
cuculus mais dont on sait que Gaulois et Celtes la portaient
déjà.
S'agissant de représentation
d'êtres vivants et mouvants ; le matériau idéal
est, en temps qu'enveloppe même du vivant, la peau (d'agneau)
qu'il ne faut pas confondre avec le cuir dont elle se distingue par sa
finesse.
Il était interessant de penser que Musulmans et Chrétiens
habitaient le même vêtement ; or aujourd'hui encore, sur
les hauts plateaux du Tibet, ce même « manteau »
à capuche abrite et protège des hommes et des femmes. En
d'autres points du Monde, cet habit est toujours l'habitation quasi
permanente de nombreux nomades.
Il y a tout lieu de penser que les bases de la connaissance
Judéo-Chrétienne ainsi qu'Indo-Européenne ont
pérégriné sous cet habit à travers les
épaisses forêts de la haute Antiquité. Les moines
eux-mêmes groupés en monades ont, par la suite,
cultivé, amélioré et transmis un savoir et un
savoir-faire dans des domaines aussi variés que la science, la
médecine, l'agriculture, l'architecture .
A
propos du choix du nom, au cours des périodes que j'ai
passées au Maroc dans les dix dernières années,
les gens qui travaillaient dans ma maison m'appellaient souvent «
M'stoff » qui était une contraction de « monsieur
Christophe » ; si l'on ajoute à cela le must (devoir en
Anglais) et le off (cf : on-off) il ne reste plus qu'à
évoquer les « Must of Cartier, of Hermes . » et cela
fait déjà trois raisons de nommer ainsi ces objets.
« Il sculpte la peau des bêtes mortes.
C'est l'ancien savoir des chamans des grandes plaines d'Amérique
? La poésie se doit d'être comme le guerrier indien, qui
ne laisse perdre aucun des reliefs du bison qu'il vient de
dépecer. Mallarmé disait que ce que l'homme a de plus
profond réside en sa peau. Le Mustoff est un origami de la
pelure. Ce n'est qu'une forme, eidos disent les Grecs, une forme
d'homme, refermé sur l'inanité redondante de sa condition
humaine. C'est un soldat du rien, un rebelle sans cause, qui monte
à l'horizon. Ce sont des poupées de sorcier qui suscitent
les aiguilles de vos angoisses et de vos tumultes."
André Murcie
Christophe Liron inventant les
Mustoff's par Jacques Mazot (
www.jacquesmazot.com )
Les mustoff sont vendus avec un petit livret contenant le poème qui les accompagne, traduit en plusieurs langues :
Voici l'habit nomade
ombre et silhouette immobile
tout de mouvance sous-tendue
no made : non fait
ou plus exactement infini,
celui dont le rêve jamais ne s'achève.
Il dit :
je n'ai pas de visage
mon habit n'a pas d'âge
aux bêtes des troupeaux
je dois ma seule peau
habitez moi mentalement
mon voyage est permanent.
Le jeux :
moines, bergers, pélerins,
hommes de quête essentielle
qu'elle élève au-dessus du troupeaux
et des idées reçues
jusqu'à sont but suprême :
l'absolution de lui-même ...
Je dis :
absent,
hommes d'avant
je vous devais,
vous dois toujours
l'habit, l'ample manteau
pleine absence contemplative
épaisse bâche, peau, cible sensible par
essence.
A vous :
pour régler leur compte à la pudeur
et à l'impudeur
il faut regarder en face
les ascendants sans visage.