Inventions et brevets :

PEAU-ÉTHIQUE

J'ai d'abord joué avec les mots, essayé de structurer cette peau mentale qui devait envelopper mon moi et mon ego ; ainsi ai‑je écrit de la poésie tout en cultivant déjà un certain goût pour les rassemblements d'objets, les compositions originales, le ludique inventif, la danse, le théâtre d'objets et quelque chose que l'on n'appelait pas encore les arts plastiques ...
j'ai ensuite calligraphié des peaux d'agneau entières ; premiers peaux‑aime en quelque sorte ... J'ai ensuite fait des compositions polychromes, en peau et cuir, mosaïques, agencements de morceaux de peau ... Le bois et la pierre ont aussi pris place dans mes oeuvres, il était important de mêler à la matière animale un peu du monde végétal et l'éternelle force du règne minéral. Mon travail était thématique : trois années de recherches pour trois thèmes avec le signe comme référent majeur et la peau comme matériau dominant : Signes Antérieurs puis signes Intérieurs et enfin Signes Extérieurs.
Parmi les oeuvres qui ont suivi le temps de ces recherches, beaucoup ont été unitairement thématiques et non figuratives.
Coté figuration, les personnages Mustoff’s, sculptures de peau, sont ma plus emblématique représentation du genre, avec cet aspect qui m'est cher : donner l'impression du plein, de l'habité, du lourd, en faisant dans le vide, l'absent, le léger ...
je les produits depuis plus de dix ans aujourd'hui avec le même plaisir dans la recherche pragmatique de l'attitude.
Quant à mes recherches dans l'à‑plat, après la mosaïque (assemblages de morceaux de peaux et couleurs différentes) j'en suis venu pour résoudre un problème d'interpénétration des couleurs, (de frontières trop nette entre deux fragments de peaux, même de teinte semblable), à utiliser de la poussière de peau. Et cette peau pulvérisée, collée sur des supports leur donne une matière nouvelle, veloutée, sensuelle ...
Certaine oeuvres abondent de ce matériau associé à la pleine peau, au cuir, au bois ...
Je travaille alors le plus souvent par assemblage : divers objets ou matériaux recréent dans un espace défini et par leur rapport privilégié une poétique ; la somme des objets rassemblés devient une entité signifiante, un tremplin de l'imaginaire.
Vint ensuite le temps du réassemblage. De cette poussière de peau qui m'était devenue familière, j'ai eu envie et ce n'est pas un hasard à Millau, de faire une argile, une pâte à modeler au gré des doigts ou des instruments les plus variés.
Ainsi inventais‑je la pâte de cuir. Ce nouveau matériau, dont je fis un papier qui fut tantot support, tantot contenant de signes, se prête aussi bien aux effets de masse, au travail de l'empreinte, qu'à celui du relief‑bas rehaussé de couleurs ou dorures ...
Ce réassemblage de peaux pulvérisées impose une unité matière/surface ... une nouvelle peau est née.



SACRIFICE RITUEL 

Torajas Torajas
Torajas Torajas Torajas

A Soulawasi, petite île Indonésienne au large de Bali, non loin de Komodo ou vivent tranquillement les varans du même nom, les autochtones partent du principe que le passage du vivant dans l’autre monde ne peut s’effectuer sans les rites funéraires qui précèdent la mise en terre du corps du défunt, lesquels sont les suivants : le défunt attendra dans un état de prostration et de raideur immobile (ce que nous appelons, nous autres, la mort) le rassemblement de tous les membres de sa famille, ascendants et descendants (cela peut prendre jusqu’à trois mois) ; les proches, chacun selon sa richesse, offriront au minimum un sanglier s’ils sont vraiment démunis, si possible un buffle blanc (l’albinos est rare partout), et au mieux un nombre variable de sangliers et buffles noirs et blancs qui seront autant de montures pour que l’âme du défunt s’élève emportée dans le galop des « âmes » des bêtes sacrifiées … Le sacrifice de toutes les bêtes offertes se déroule dans une simultanéité de temps et de lieu en présence de tous les membres de la famille, des habitants du village et des amis invités à communier dans le partage de la viande générée par ce « carnage » exécuté au pied du cercueil de bois sculpté où repose le corps du défunt, enveloppé dans un ikat (drap tissé polychrome) et recouvert d’un tissu rouge. Les peaux des bêtes, après le dépeçage immédiat consécutif au sacrifice, sont mises à sécher sur le sol puis tendues sur des structures de bois pour être nettoyées de toute chair, la peau des bêtes sacrifiées va maintenant « protéger » la peau des hommes …